Nos achat contrôlés par le gouvernement ?

Sylvie Bergeron est PDG de Connexion-U et ancienne administratrice et co-conceptrice de la monnaie locale l’Ilôt Montréal

La Banque du Canada s’interroge sur la pertinence de développer son propre système de monnaie numérique et a fait un appel au public : elle ne sait pas encore s’il serait mieux serait de partager la compétence d’un système de monnaie numérique avec les institutions bancaires privées ou de faire cavalier seul.

Avant même que le public n’ait pu répondre, les institutions bancaires commerciales (privées) ont rapidement posé des gestes de restructuration. Profitant de la modernisation des lois, elles ont transformé le système bancaire en environnement bionumérique, déjà prêtes pour la suite. Inscrite au registre des lobbys, le Mouvement Desjardins s’est très bien positionné auprès des gouvernements fédéral et québécois.

Dans l’urgence, tout indique que l’on se dirige vers une monnaie programmable, sous le contrôle des institutions bancaires – peut-être publique peut-être privée – au détriment des citoyens.nes, pour ne pas dire vers une société de surveillance.

  • La Banque du Canada a-t-elle donc trop de retard pour centraliser rapidement une monnaie numérique ? Serait-il plus sage de collaborer avec les banques privées qui sont déjà toutes positionnées depuis qu’elles ont extorqué à leurs clients leur consentement sur une cueillette abusive de demande de renseignements personnels ?

Premiers pas vers la mondialisation

Les banques centrales ont joué un rôle prépondérant dans le déploiement de la mondialisation. Historiquement, le Canada s’est doté d’une banque centrale bien après d’autres pays en raison de sa ruralité. Il était plus cohérent de décentraliser les opérations courantes dans chaque localité. Au Québec, le mouvement de la coopérative d’Alphonse Desjardins illustrait bien cette réalité.

La création de la Banque du Canada a eu lieu après le krash. Pour le premier ministre de l’époque, il devenait difficile de «  régler les comptes internationaux avec cette multitude de petites banques qui gèrent chacun une partie des comptes du gouvernement». C’était un premier pas vers la mondialisation.

Au nom de l’efficacité, l’institution publique a centralisé plusieurs fonctions exercées par les banques privées pour des objectifs pragmatiques internationaux. L’un des bénéfices nationaux est qu’elle a pu « réglementer le crédit et la monnaie dans l’intérêt de la vie économique de la nation ». Par exemple, en tant qu’émettrice de billets, elle prêtait à nos provinces avec un taux très faible.

  • Est-ce qu’en reprenant le pouvoir d’émettre des billets numériques, la Banque du Canada prêtera à nouveau à faible taux, incluant les citoyens ?

Mondialisation, un pouvoir anonyme et centralisé

La mondialisation a rendu notre société anonyme. Le contact physique n’est plus requis pour faire des transactions. Les institutions publiques et privées se sentent légitimées de cueillir plus de renseignements par souci de sécurité. Or ces demandes sont souvent inappropriées voire, illégales. Et elles mettent à risque toujours plus de renseignements.

Depuis 2022, les institutions bancaires ont transgressé plusieurs lois québécoises prétextant vouloir se conformer aux nouvelles exigences légales de la loi sur la protection des renseignements personnels (PRP).

L’environnement numérique et la délocalisation des opérations courantes a progressivement sacrifié l’économie locale, éliminant progressivement la classe moyenne.

De même, le mouvement Desjardins a centralisé sa direction. Nous avons constaté une opacité troublante, de sa part et, dans plusieurs cas une arrogance de ses agent.es, au cours de ses échanges avec des clients.

La pression exercée par les membres de Desjardins, lors de notre campagne de mobilisation, a porté ses fruits. La Commission d’accès à l’information a initié une enquête sur le Mouvement qui, à l’instar des autres institutions bancaires, a transgressé plusieurs articles de la loi.

  • Dans ce contexte de centralisation des pouvoirs, la Banque du Canada saura-t-elle assurer une cueillette de renseignements justifiée, s’appuyant sur un consentement libre et éclairée ?

Une monnaie programmable : sécurité ou contrôle ?

Les institutions veulent agir vite en raison de la menace d’une monnaie décentralisée, le bitcoin, de plus en plus populaire. L’attrait pour ces cryptomonnaies est la chaine de block qui les rend totalement sécuritaires.

Le Salvador a opté pour la transparence et la décentralisation. Le bitcoin est dorénavant une devise nationale. La Banque du Canada ne s’oriente pas vers ce système et cherche plutôt à riposter au Bitcoin. La monnaie numérisée « Ça nous permettrait de garder le contrôle du système financier », explique Annie Leconteprofesseure au département de sciences comptables de l’UQAM.

Et tout indique que les banques centrales mondiales émettront une monnaie programmable sur laquelle ils pourront mettre une date de péremption.

Cela signifie que si vous avez 5 000$ à votre compte courant, on pourra par exemple, prélever chaque jour un petit montant pour éviter l’accroissement de la dette publique. C’est ce qu’on appelle une monnaie fondante. Ce procédé est généralement utilisé en temps de crise. Il n’est pas confortable car il empêche l’accumulation et donc, l’appropriation de biens.

De plus, le comportement du consommateur sera à la portée de la Banque centrale, en temps réel. Tout achat que vous ferez sera visible. Par des algorithmes, la Banque pourra bloquer votre accès à votre argent pour défaut de paiement, achat trop polluant, etc.

Qui déterminera le bon et le mauvais comportement dans cette société de surveillance ? Devrions-nous craindre de prendre cette avenue ?

La transparence

La Banque du Canada a sollicité la société civile dont la plupart ne peut soupçonner l’immense potentiel de traçage et de surveillance des populations, ne disposant pas notamment de toute l’information requise.

« Cette devise numérique permettrait à certains de transiger sans nécessairement avoir un compte dans une institutions bancaire » est le principal argument soulevé par Annie Leconte. Tout ce déploiement pour servir une infime minorité de la population ?

  • La Banque du Canada a le devoir de transmettre ses intentions claires dans l’implantation d’une monnaie numérique. Ne pas nommer les enjeux réels, c’est s’engager sur la voie d’un détestable du flou, tel le manipulateur qui souhaite, par un consentement non libre et non éclairé, parvenir à des fins qu’il sait inacceptables.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *