Que vaut le vote électronique ?
Par Sylvie Bergeron, PDG de Connexion-U pour la protection de l’être humain et de la démocratie dans le contexte numérique
Ce texte a aussi été publié dans Libre Media
Chaque vote vaut son pesant d’or. Ce qui le rend si précieux ? La légitimité qu’il donne à un gouvernement. À l’ère où des élus peuvent gouverner avec à peine 30% des votes, certains remettent en question cette légitimité. D’autres espèrent trouver dans le vote électronique une manière d’encourager les électeurs à se présenter aux urnes afin justement d’augmenter l’accessibilité et le taux de participation et par là, la légitimité de nos gouvernements.
En 2023, la société civile a été amenée à se prononcer sur la valeur du vote électronique. Pourtant, nous savons depuis le début des années 2000 qu’il n’a que très peu d’impact sur le taux de participation. Alors pourquoi relancer la question et pourquoi maintenant ?
Vote électronique par Internet et vote traditionnel
Distinguons d’abord la procédure. Le vote par internet s’effectue directement sur un site Web, de n’importe quel endroit. Problème : il n’y a pas de trace du vote donc il ne peut être recompté. Tandis que pour exercer son vote traditionnel, l’électeur doit se déplacer dans un bureau de scrutin. L’enjeu n’est plus « la traçabilité, mais la preuve du vote », explique Clément Gagnon spécialiste en sécurité de l’information.
Il demeure à ce jour très difficile de protéger l’intégrité des élections par voie électronique, en raison de la complexité à préserver le secret du vote tout en authentifiant l’identité des électeurs, un paradoxe irrésolu. Également, le processus est opaque du fait que les logiciels appartiennent à des entreprises privées. Sans compter les difficultés du recomptage des votes.
Nicolas Lachance indique que : « Des spécialistes en cybersécurité craignent «un désastre» pour notre démocratie avec la mise sur pied du vote par internet, en raison de la piètre gestion de la sécurité chez Élections Québec et des risques de failles informatiques avec cette technologie ». De toute évidence, ces vulnérabilités non maitrisées peuvent produire des résultats non représentatifs du vote des électeurs et un doute sur la légitimité d’un gouvernement.
Malgré que le vote électronique semble le plus susceptible d’améliorer l’accès au processus électoral, de nombreux pays qui ont exploré son usage ne l’ont pas retenu. Ce rapport canadien démontre bien l’importance de faire preuve d’une prudence générale.
Lors de la pandémie, les élus ont plutôt opté pour un vote par correspondance, manière très simple et sécuritaire d’encourager les électeurs confinés à honorer leur devoir citoyen.
Bien que le risque zéro n’existe pas, le vote traditionnel en papier, en personne à l’urne est le plus sûr. Le décompte des votes se fait de façon transparente et contrôlée par les parties. De plus, la personne peut être authentifiée et son vote laisse une trace tout en demeurant secret, ce qui rend le recomptage possible.
À tous les chapitres, en 2024, le vote non physique ne remplit pas la promesse qu’on attend de lui et le vote traditionnel à l’urne est de loin plus fiable et sécuritaire.
Retour sur l’investissement
L’implantation d’un processus pour le vote électronique génère plus de risques sur la protection de la sécurité et de la validité du vote et ne semble pas parvenir aux résultats recherchés. Ce qui rend le retour sur l’investissement plutôt faible.
Cinq vœux pieux sont formulés sur le site d’Élections Québec qui confirme un projet pilote avec 21 municipalités prêtes à tenter l’expérience : transparence, secret du vote, libre exercice du droit, intégrité du processus et des résultats, accessibilité, le tout grâce à une centralisation administrative.
Pourquoi le gouvernement persiste-t-il dans cette voie?
Pour le ministre M. Éric Caire du Ministère de la cybersécurité et du numérique (MCN) et son gouvernement, l’identité numérique semblait être l’ingrédient manquant pour « rassurer les citoyens sur la sécurité et la fiabilité du vote électronique », admet M. Gagnon.
Le vote électronique servirait-il subrepticement à mousser le projet du portefeuille d’identité numérique (PIN) dont nous avons déjà constaté les ratés ?
Le gouvernement souhaite parvenir à un vote par internet fiable et efficace grâce au portefeuille d’identité numérique. Ainsi croit-il pouvoir protéger l’aspect secret du vote tout en gardant sa trace. « Pour s’assurer de l’intégrité du vote, ça prend une identité numérique […] Élections Québec doit pouvoir séparer l’identité de l’électeur de son résultat, […] L’organisation doit aussi s’assurer qu’un citoyen ne puisse pas voter deux fois. » détaille Clément Gagnon.
Une identité numérique se veut un outil de représentation qui valide et authentifie l’identité de la personne. Sur son site, le gouvernement du Québec assure qu’il place la sécurité des données et la protection des renseignements personnels au cœur de ses priorités.
Or au cours des trois dernières années, Connexion-U a démontré que le ministre de la cybersécurité et du numérique a réduit à peu de choses la protection de la vie privée.
Qui protègera notre vie privée ?
Éric Caire a refusé d’octroyer les budgets nécessaires pour que la Commission d’accès à l’information (CAI) puisse jouer pleinement son rôle de chien de garde. Il confond le respect des droits fondamentaux aux mesures de cybersécurité faisant fi de la protection des renseignements personnels. Il a alloué le plus gros de ses budgets à la sécurité informatique, fragilisant la souveraineté sur nos renseignements personnels et, de ce fait, sur notre vie privée.
Les experts en informatique, peu friands de la numérisation des renseignements personnels par le gouvernement, sont les premiers à se crisper lorsque les instances marchent sur ce flou.
Suite aux multiples plaintes propulsées par Connexion-U, le Premier ministre avait mis fin au conflit d’intérêt de son ministre, après leur réélection en 2022 (voir notre dossier pour lequel nous attendons un verdict concernant des centaines de plaintes contre Desjardins).
Malheureusement, Caire a persisté dans ses efforts à bâillonner la CAI. En octobre 2023, il a créé une loi qui retire à la CAI le pouvoir d’autoriser tout projet lié au PIN, privant le processus de son indépendance. Par là, il a relégué en arrière-plan le respect de nos droits fondamentaux portant ainsi affront à tous les citoyens du Québec.
Sachant que le registre d’identité regroupe les renseignements les plus sensibles, quelles sont les garanties que les données liées au choix politique des citoyens ne viendront pas s’ajouter à leur portefeuille, après l’élection ?
Connexion-U est d’avis que l’écosystème bionumérique mondial en construction ne pourra pas instaurer la confiance requise pour implanter le vote électronique ni la monnaie numérique. D’autant que, dans le contexte du PIN, le ministre Éric Caire vient de détruire la protection qui assure la souveraineté des citoyens face à leur vie privée (lire Que vaut le consentement électronique).
Alors pourquoi les municipalités ont-elles accepté de se prêter à l’expérience, sachant que tout vote électronique et par internet met la vie privée de leurs concitoyens à risque, sans améliorer le taux de participation ?
Demandons-nous plutôt pourquoi les gens décident de ne pas aller voter ?
Que vaut un vote ?
Le Symbole du vote a toujours été fort : nous octroyons à la liberté de conscience une très grande valeur. Elle nous donne le droit de nous prononcer librement sur la composition et les tendances du gouvernement. Mais la dématérialisation du vote confère-t-elle la même stature au citoyen, à l’être humain ?
Jean-François Lisée écrivait en 2004 : « J’achète un burger, je loue une vidéo, je change de gouvernement. […] Banaliser le vote, c’est lui enlever de la valeur. […] Il faut au contraire mieux souligner la cérémonie, le rite du vote […] activité complètement effectuée par des humains (dont la méthode de comptage, selon le MIT, est la plus fiable). » Vingt ans plus tard, il renchérit : « L’idée même de voter électroniquement induit nécessairement un doute sur l’intégrité du vote, quel que soit le nombre de pare-feu qu’on y installe.»
À l’aube des élections américaines, l’intelligence artificielle sera lâchée dans l’arène avec une capacité accrue d’usurper les identités des personnalités (Le cas de Taylor Swift) et du monde ordinaire. En croyant mieux se protéger grâce aux algorithmes considérés plus fiables que l’humain, à qui sommes-nous en train de donner notre pouvoir de décision ?
Dématérialiser le vote sans améliorer le taux de participation avait déjà été testé et rejeté. Reconduire cette aventure pour seulement 10% des électeurs, en nous faisant miroiter que l’identité numérique procure la garantie de sécurité qu’il nous manquait est fallacieux.
L’avantage du vote électronique est un argument qui arrive à point pour vanter le projet idéologique du PIN. Or jusqu’à maintenant, le ministre Caire a bien démontré à quel point il bafoue le respect de nos droits fondamentaux. Il refuse obstinément de garantir la protection de ce que nous avons de plus précieux et sensible : notre souveraineté sur notre identité numérique, notre vie privée et nos renseignements personnels.
dans mon rêve je voudrais réellement que ceci soit fait pour le peuple mais je doit constaté que dans les faits que ce n’est que de l’enfumage pour mieux dictés la population comme si nous étions tous identique(ID) pour les bien pensant du 1% qui se prennent pour des élites